Cansu Sanlidag - Presse
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Cansu Sanlidag, pianiste originaire d'Izmir, se produit ce jeudi 10 avril aux Concerts de midi à Liège avec Philippe Graffin au violon.
La musicienne, diplômée de l'Universität für Musik and darstellende Kunst Wien et du Koninklijk Conservatorium Brussel est l'invitée de cette émission.
Elle revient sur ce futur concert dans lequel Philippe Graffin et elle-même s'investissent dans la mise en lumière de pièces oubliées et, notamment, celles inédites d'Eugène Ysaÿe.
Cansu Sanlidag lève aussi le voile sur son 1ᵉʳ album solo "The Noctural Poet" enregistré chez Pavane Records qui sortira ce début avril. Un projet musical dans lequel elle met en valeur Philipp Scharwenka, poète de la danse et du son, dans la ligne du romantisme allemand.
En première partie de ce podcast, retrouvez également Lorenzo Ferinaiu qui nous présente, en avant-première, le programme 2025-2026 des Concerts de midi Liège.
« The Nocturnal Poet », 20 mars 2025 - Laurent Petit-Louis
Sélectionné par la rédaction" de ConcertoNet a été décernée à cet album
Dans la fratrie Scharwenka, on rencontre peut-être un peu plus souvent – tout est relatif – le nom de Xaver (1850‑1924) que celui de son aîné, Philipp (1847‑1917). Il est vrai que malgré son succès aux Etats‑Unis en qualité de compositeur, ce dernier s’est plus particulièrement investi dans la théorie et l’enseignement, dirigeant pendant près d’un quart de siècle le Conservatoire Scharwenka (devenu Klindworth-Scharwenka) qu’il avait fondé à Berlin avec son frère, également pianiste, lequel, quant à lui, mena une carrière de virtuose-compositeur.
Cet album inattendu contribue à réparer un oubli fort injuste, en offrant un aperçu très convaincant de son œuvre pianistique, qui occupe la plus grande partie d’un catalogue qui recèle par ailleurs des mélodies, deux symphonies, un concerto (pour violon – qu’on peut trouver chez Hyperion – mais, curieusement, pas pour piano), quelques autres pages orchestrales et de la musique de chambre, composée pour l’essentiel après 1900. Les œuvres pour piano rassemblées sur cet album ont en revanche été publiées dans les années 1890.
Le disque a certes quelque peu rendu justice à la production chambriste de Philipp Scharwenka, mais ce n’est pas du tout le cas de sa musique pour piano, qui reste donc très largement terra incognita si l’on excepte un premier volume gravé par Luís Pipa pour Toccata Classics en 2020 mais resté, pour l’heure, sans suite. Klavierstücke, Intermezzi, ballades, rhapsodies : un héritier ou un épigone de Brahms ? Sans doute plutôt un simple familier, car on entend davantage ici l’héritage de Schumann, comme chez le jeune Strauss quelques années plus tôt, mais aussi de Chopin, et ce plus dans l’esprit que dans la technique ou l’écriture pianistiques – il est né non loin de Poznan (alors la prussienne Posen).
Si le nom n’attire déjà sans doute pas l’œil, l’oreille aussi peut aisément passer à côté de cet art tout sauf spectaculaire, avare de grands gestes expressifs ou pianistiques et ne se livrant pas à de complexes recherches harmoniques. Intimiste, conçue sinon peut‑être pour les amateurs du moins pour tout autre chose que la salle de concert, avec ses jeux subtils d’ombres et de lumières, son inépuisable délicatesse, sa Gemütlichkeit enveloppante, cette musique de coin du feu, de cocooning, dirait‑on aujourd’hui, adopte volontiers le ton de la confidence, nimbée d’un soupçon de mélancolie ou de nostalgie.
L’album est intitulé « Le Poète nocturne », ce qui sied évidemment aux six pièces de l’ultime recueil pianistique de Scharwenka, les Abendstimmungen (« Le Soir », dans la traduction usuelle, mais on pourrait tenter « Atmosphères vespérales »). Si elles ne portent pas de titre et ne comprennent que des indications de tempo, ces pages n’en sont pas moins chargées d’expression et on ne peut qu’être frappé par exemple par le côté interrogatif de la troisième, comme un écho de « L’Oiseau prophète » schumannien. De même, le caractère du vaste Scherzo des Klavierstücke de l’Opus 107 tient plus d’une marche des compagnons de David que d’un divertissement léger. La Ballade opus 94, qui possède quelque chose de véritablement narratif, ne trahit pas son nom – et c’est une histoire qui se termine mal. Seule la Première des deux Rhapsodies de l’Opus 85 s’abandonne à un romantisme un peu plus échevelé, mais ce ne sont quand même pas les déferlantes de l’Opus 79 de Brahms.
Mais pour mettre en valeur cet univers attachant, encore faut‑il qu’il y ait un piano et un pianiste. Pour ce qui est de l’instrument, le Bösendorfer choisi pour cet enregistrement séduit par ses demi‑teintes, la plénitude de ses aigus jamais clinquants et le moelleux de ses graves dans lesquels on aurait envie de se lover comme dans un bon fauteuil. Pour ce qui est de l’interprète, Cansu Sanlıdag ne surjoue pas, prend son temps, fait preuve de beaucoup de sensibilité et déploie un toucher d’une souplesse dont on dirait qu’il arrondit encore les angles de cette musique déjà fort peu anguleuse.
Comme la perfection n’est pas de ce monde, il faut d’abord remarquer que contrairement à ce qui est indiqué, il ne s’agit pas entièrement d’une « world premiere » puisque trois des pièces de l’Opus 107 ont déjà été publiées en 1999 chez Olympia. Ensuite, la notice, fort intéressante, est entachée de tournures bizarres (« afflictions cardiaques », « la paire Liszt et Wagner ») et d’approximations (Arthur Nikkish). Surtout, l’album est bien court, alors qu’il aurait certainement été possible d’y inclure ne serait‑ce que l’autre Rhapsodie de l’Opus 85 ou les trois autres pièces de l’Opus 97.
Musikerlebnis hinter bröckelnden Mauern, avril 2024
« En compagnie de deux jeunes solistes, la pianiste turque Cansu Sanlidag et le violoncelliste belge Pierre Fontenelle, un programme varié a été proposé au public venu en nombre : Fontenelle a d'abord joué la nostalgique « Élégie pour violoncelle et orchestre » du compositeur belge contemporain Dirk Brossé, suivie d'une pièce pour violoncelle moins connue et profondément émouvante de Max Bruch. « Kol Nidrei » est basé sur la prière juive qui est récitée la veille de la fête suprême, Yom Kippour. Pendant la période nazie, Bruch, qui était déjà mort en 1920, a été considéré à tort comme juif à cause de cette composition, et sa musique n'a plus été jouée.
Cansu Sanlidag a ensuite enchanté le public avec le quatrième concerto pour piano de Beethoven, que beaucoup considèrent comme son plus beau. La soirée s'est terminée par la « Symphonie italienne » de Felix Mendelssohn-Bartoldy, une réminiscence de la chaleur et du sud bienvenue compte tenu du temps froid qui régnait dehors. Le public a remercié les solistes et le jeune orchestre par des applaudissements prolongés pour cette magnifique expérience musicale ».
« QUELQUES MUSIQUES PEU COMMUNES » : ARRIEU – CANAL- GRANVAL – SCHARWENKA, 5 avril 2025 - Stéphane Loison
Qui connait Philipp Scharwenka ? C’est un compositeur allemand fin du XIXème siècle (1847-1917). Son œuvre se divise en deux périodes : durant sa jeunesse et sa maturité, il compose des pièces de genre surtout pour piano, puis plus tard se met à écrire des œuvres symphoniques et de la musique de chambre. Son style est dans le prolongement de Schumann, Brahms mais aussi Chopin! Il n’a pas participé aux grands mouvements qui ont secoué la musique en Autriche, en Allemagne. C’est la jeune pianiste Cansu Sanlidag qui fait ce beau cadeau – The Natural Poet, (Pavane ADW7605) – Avec beaucoup d’exigence, de virtuosité, elle fait découvrir cet étonnant compositeur.
On pourra la découvrir et entendre son album en direct le 09 avril 2025 à l’Espace Bernanos, 4 rue du Havre 75009 Paris, à 12h45
Un disque magnifique !
ÉMISSION : “L’INVITÉE DE LA MATINALE” LA PIANISTE CANSU SANLIDAG - 25 MIN, 4 avril 2025 - Cécile Poss
« Philipp Scharwenka, The Nocturnal Poet » par Cansu Sanlidag sur le label Pavane, 5 avril 2025 - Michel Dutrieue
Çağıl Cansu Şanlıdağ est connue pour son jeu expressif et sa virtuosité. Elle a construit une carrière marquée par la précision et la sensibilité musicale, qui l’a vue se produire sur de nombreuses scènes européennes. Ce programme met en lumière des œuvres pour piano inédites de Philipp Scharwenka (1847-1917), trésors oubliés de l’histoire de la musique qui se dévoilent enfin, témoignant de son élégance et de son raffinement.
Philipp Scharwenka (frère du compositeur et pédagogue musical Xaver Scharwenka), compositeur et professeur de musique d’origine polonaise, est devenu une figure clé de la musique berlinoise du XIXe siècle. Pianiste émérite et professeur respecté, il a cofondé le conservatoire Scharwenka. Il a laissé derrière lui une œuvre mélancolique et dramatique qui témoigne d’une profonde vie intérieure. Son influence, bien que discrète, a traversé les frontières, de Berlin aux États-Unis.
Sa musique combine les univers de Schumann, Brahms et Wagner, auxquels il ajoute des idiomes polonais hérités de l’art de Chopin. Fidèle à sa vision artistique, Scharwenka s’est tenu à l’écart de la frénésie de la société berlinoise dans les dernières années de sa vie. Une retraite esthétique qui n’indique pas une ignorance de la modernité, mais un refus de « poursuivre la nouveauté pour l’effet ». Les Abendstimmungen, dédiées à Moritz Mayer-Mahr, sont peut-être l’expression musicale la plus intime de Scharwenka. Ces œuvres nocturnes offrent un voyage introspectif, tantôt calme, tantôt agité, dans lequel le ciel d’une nuit noire est parfois illuminé par la lumière fugace d’une étoile perçant l’obscurité.
Cansu Sanlidag est une pianiste connue pour son jeu expressif et sa virtuosité, avec lesquels elle captive le public sur diverses scènes européennes. Formée au conservatoire d’État de l’université Dokuz Eylul d’Izmir, elle a perfectionné son art sous la direction de Dalia Ouziel et d’Aleksandar Madzarat au conservatoire royal de Mons et au conservatoire royal de Bruxelles. Elle a encore amélioré ses compétences en matière d’interprétation en suivant le programme de troisième cycle de l’Université de la musique et des arts du spectacle de Vienne avec Markus Hadulla.
Cansu Sanlidag s’est produite en tant que soliste avec des ensembles renommés tels que I Musici Bruscellencis, l’Orchestre philharmonique de Bruxelles et l’Orchestre symphonique présidentiel de la République turque de Chypre du Nord. Sa passion pour les trésors musicaux oubliés l’a amenée à collaborer avec le violoniste Philippe Graffin, dévoilant des œuvres inédites d’Ysaye. Fréquemment invitée à des festivals prestigieux tels que le Music Chapel Festival et le Traces Festival, elle se consacre également à l’éducation, en enseignant à la Near East University et en donnant des conférences sur la musique.
Sorties discographiques de musique classique : de Puccini à Scriabine, découvrez la nouvelle sélection, 7 avril 2025 - Pierre Solot
Pavane Records publie ce disque-découverte consacré à la musique pour piano solo du compositeur allemand Philipp Scharwenka par la pianiste Cansu Sanlidag. Au jeu des comparaisons, on trouverait facilement dans cette musique le lien à celle de Johannes Brahms, dans les couleurs harmoniques, dans l’intimité, dans la façon de traiter les pièces rhapsodiques, mais la musique de Scharwenka se révèle plus à fleur de peau. La grande réussite du disque, au-delà d’une musique romantique réjouissante, est la manière dont Cansu Sanlidag parvient à caractériser de manière très naturelle cette musique que l’on ne connaît pratiquement pas, donnant à la fois de l’élan passionné aux moments virtuoses, mais surtout beaucoup de tendresse aux épanchements plus intimes, cherchant sans cesse la lumière chaude, plutôt que la volubilité pianistique plus distante. L’impression générale est celle d’un discours pianistique raffiné, nourri d’un engagement tout à fait sincère pour cette musique au cœur débordant.
« ESPACE BERNANOS » : CAGIL CANSU SANLIDAG, 10 avril 2025 - Stéphane Loison
Pour présenter l’album sur Philipp Scharwenka – Pavane ADW7605 – enregistré par cette jeune magnifique pianiste Chypriote turc, sa nouvelle Agence – BSArtist Bettina Sadoux – a organisé dans cette belle salle de l’Espace Bernanos un concert dans le cadre des Pause Musicale.
Cagil Cansu Sanlidag, comme nous l’avons déjà écrit sur le site, est une pianiste chaleureuse, de grand talent. Elle a conçu son récital très intelligemment, en mettant en face de Scharwenka, Reger et Brahms. Un concert dans une ambiance très romantique avec les fameuses Klavierstûcke Op.118 de Brahms dont elle donna une très belle version. La charmante Valse impromptu de Reger était aussi la bienvenue. C’est avec un touché élégant, plein de sensbilité et beaucoup d’énergie, qu’elle fit découvrir au public Scharwenka ce compositeur totalement disparu des concerts. Cela est bien dommage car ses compositions entre Brahms et Chopin sont vraiment à découvrir. Les avoir entendues, en direct, sous les doigts de Cagil Cansu Sanlidag, montre que cette pianiste a eu une belle idée de les faire entendre et de faire cet enregistrement. À se procurer sans plus attendre ! Merci Madame !
Le prochain concert de CAGIL CANSU SANLIDAG / Scharwenka aura lieu à Louvain-La-Neuve le 23 mai 2025.
Le prochain concert à l’Espace Bernanos aura lieu le mercredi 30 avril 2025 à 12h45 Sivia Ilves, violoncelle, Samuel Bezzera, piano.
Cansu Şanlıdağ, à propos de Philipp Scharwenka, 27 avril 2025 - Pierre Jean Tribot
La pianiste Cansu Şanlıdağ nous propose un premier disque consacré à des œuvres pour piano du compositeur allemand Philipp Scharwenka (Pavane). Ce choix séduit par son originalité éditoriale et l’album convainc par sa justesse musicale. Crescendo Magazine a voulu en savoir plus et s’est entretenu avec l’artiste.
Qu’est-ce qui vous a motivé à consacrer un album à des œuvres pour piano de Philipp Scharwenka ? D’autant plus pour un premier album ?
La toute première fois que j’ai entendu Scharwenka, c’était sa Sonate pour violon et piano, op. 114. Et je me souviens très précisément de ce moment : cette sensation physique presque inexplicable, comme si quelque chose s’ouvrait dans la poitrine. Ce genre de réaction qu’on a face à une très belle mélodie qui semble nous parler directement, sans détour.
Ce n’était pas une musique complexe ni spectaculaire — au contraire, c’était d’une simplicité lumineuse, presque pudique, mais bouleversante. Et ce qui m’a frappé ensuite, c’est le silence qui l’entoure. Comment une musique aussi sincère, aussi juste, a-t-elle pu rester dans l’ombre aussi longtemps ?
Pour moi, il était évident que ce compositeur méritait d’être réentendu. Et en même temps, j’aimais l’idée de commencer mon parcours discographique avec un geste fort : faire entendre une voix oubliée, mais profondément émouvante. C’était à la fois un choix de cœur et une manière d’affirmer une certaine vision de l’engagement artistique.
Comment avez-vous découvert le compositeur ?
Ma découverte de Philipp Scharwenka est liée à un parcours un peu inattendu… qui commence avec Eugène Ysaÿe.
J’ai eu la chance de participer à un projet autour d’un Poème concertant récemment redécouvert, une œuvre magnifique qu’on a pu jouer et enregistrer avec le violoniste Philippe Graffin. Ce poème avait été édité par le musicologue Xavier Falques, dont le travail a été absolument déterminant.
L’œuvre était dédiée à Irma Sethe — une personnalité oubliée, mais fascinante — et c’est grâce aux recherches approfondies de la musicologue Marie Cornaz que nous avons découvert qui elle était. Son histoire, sa place dans le paysage musical de son époque nous ont tellement touchés que nous avons eu envie de lui rendre hommage à travers un concert à la Bibliothèque royale de Belgique (KBR).
C’est dans ce contexte, en consultant les partitions qui lui avaient été dédiées, que je suis tombé sur une Sonate de Philipp Scharwenka, également écrite pour elle. La découverte de cette pièce a été un vrai choc musical — et c’est à partir de ce moment-là que mon exploration de son œuvre a véritablement commencé.
Comment avez-vous sélectionné les pièces dans un catalogue qui compte plus de 300 pièces ?
J’ai commencé par explorer le catalogue de Scharwenka sans idée préconçue, en jouant, en imaginant, en me laissant guider par ce que la musique évoquait en moi. Ce qui m’importait, ce n’était pas de représenter toutes les facettes de son écriture, mais de construire un fil poétique, un portrait intérieur.
Certaines pièces se sont imposées très vite, presque comme une évidence, par leur pouvoir d’évocation, leur sincérité, leur beauté toute simple. Peu à peu, un univers s’est dessiné — fait de contrastes subtils, d’ombres et de lumières, d’élans lyriques et de moments suspendus.
Le titre de cet album est “le poète nocturne”, est-ce que vous pouvez nous l’expliquer ?
Ce titre s’est imposé naturellement au fil de l’enregistrement. Il y a chez Scharwenka une manière très particulière de faire chanter le silence, de laisser la musique respirer. Une forme de pudeur dans l’expression, comme une voix intérieure qui n’a pas besoin d’éclat pour être bouleversante.
“Poète”, parce que sa musique s’adresse à l’intime. Elle ne raconte pas des histoires au sens narratif, mais elle évoque des états d’âme, des sensations, des paysages intérieurs. Et “nocturne”, pas seulement au sens musical, mais pour cette lumière douce, presque lunaire, qui traverse ses œuvres.
Ce n’est pas une musique qui s’impose, c’est une musique qui veille — qui vous accompagne doucement, longtemps après qu’elle s’est tue.
L'œuvre de Philipp Scharwenka est très peu connue en dehors des mentions dans les histoires de la musique. Est-ce que vous pensez que son temps va venir ?
J’ai envie de croire que oui. Il y a aujourd’hui un vrai mouvement de redécouverte, une curiosité croissante pour les voix oubliées, pour les répertoires restés dans l’ombre des « grands noms ». Et Scharwenka fait partie de ces compositeurs qu’on n’a pas écartés parce qu’ils manquaient de talent — mais simplement parce que l’histoire, ou les modes, ont choisi d’autres trajectoires.
Sa musique a tout pour toucher le public d’aujourd’hui : elle est sincère, accessible sans être banale, subtile sans être hermétique. Mais pour que son temps « vienne », il faut aussi que des musiciens prennent le relais, que les œuvres circulent, soient rejouées, partagées.
C’est un travail patient, mais profondément enthousiasmant. Et si cet album peut contribuer, ne serait-ce qu’un peu, à cette redécouverte, alors j’en serais très heureuse.
Est-ce que vous avez déjà d’autres projets en gestation ?
Oui, un deuxième projet d’enregistrement est en gestation, différent du premier. J’aimerais explorer plusieurs œuvres du grand répertoire, m’éloignant cette fois d’un seul compositeur pour plonger dans des univers musicaux plus larges. Ce projet réunira des pièces avec des textures chorales et contrapuntiques, des œuvres variées qui, je l’espère, partageront une même profondeur émotionnelle. Ce qui me tient particulièrement à cœur, et que je considère comme le but ultime de la musique, c’est de faire ressentir des émotions, quelles qu’elles soient. Pour moi, chaque note et chaque œuvre doit toucher, émouvoir, et transmettre cette sincérité profonde que je ressens en la jouant.
Philipp Scharwenka a trouvé sa pianiste, 31 avril 2025 - Jean-Marc Warszawski
Enregistré du 26 au 28 octobre 2024, Mons, salle Arsonic.
Philippe Scharwenka, né en 1847, pianiste et compositeur, eut une certaine notoriété depuis Berlin, où il enseigna au conservatoire fondé par son frère Xaver, avant d’en prendre la direction. Il a laissé un catalogue de cent-vingt numéros (environ 300 pièces), dans tous les genres et beaucoup pour le piano, dont pas mal pour le salon bourgeois, sans oublier la jeunesse apprentie. S’il n’est pas aujourd’hui totalement inconnu, la présence de ses œuvres dans les programmes de concerts ou discographiques est marginale ou « bouche-trous ».
C’est alors que la pianiste Cansu Sanlidad crée la surprise en nous révélant des œuvres magnifiques virtuoses, d’un stylisme raffiné et profondément poétique, d’une expressivité touchante, pas spécialement mélodique, mais somptueuses dans les harmonies et figurations. Qui a un peu d’histoire au fond de l’oreille, pourrait y entendre un hommage à ou un chant du cygne récapitulatif de la génération précédente : Robert Schumann, Frédéric Chopin, Franz Liszt, Félix Mendelssohn…
Exprimer les sentiments par la musique aussi parfaitement que la poésie écrite était le rêve des madrigalistes, un projet qu'on retrouve dans le genre romance sans paroles. Philipp Scharwenke et Cansu Sanlidag ont mis la barre très haute.
Car il est évident que Cansu Sanlidag est pour beaucoup dans cette réussite musicale, par le choix des pièces, mais surtout par son engagement vital (et virtuose), on va dire « romantique » faute de mieux, où tout est narration, poésie, émotion et liberté dans mille nuances à la touche. Nous sommes conquis par cette osmose rare entre une œuvre et une interprète.
Originaire Izmir (Smyrne), elle a surtout étudié en Belgique, à Mons et au Conservatoire royal de Bruxelles (aussi à L’Université des Arts de la scène à Vienne). Elle se produit essentiellement en Belgique, en récital, musique de chambre, avec orchestre, tout en enseignant à la Near East University à Nicosie Nord.
Cublai, l'opéra interdit de Salieri, 6 mai 2025 - Emilie Munera, Rodolphe Bruneau-Boulmier